Face aux défis environnementaux, sociaux et économiques, la technologie ne peut plus être neutre. Elle doit aujourd’hui participer activement à la construction d’un monde plus juste. C’est dans cette perspective qu’émerge la Tech for Good, un mouvement qui invite les acteurs du numérique à s’engager en faveur de l’intérêt général. Mais que recouvre réellement cette notion ? Quels en sont les bénéfices concrets et les pratiques à adopter ? Explorons ensemble cette dynamique en plein essor.
Sommaire :
Une définition à la croisée de la technologie et de l’éthique
Le terme Tech for Good, littéralement « technologie pour le bien », désigne l’ensemble des technologies, produits et services numériques développés dans un but social ou environnemental positif. Elle suppose une vision éthique de l’innovation, dans laquelle les outils numériques ne sont pas simplement mis au service de la croissance ou de la performance, mais bien du progrès collectif.
Cette approche implique une remise en question du paradigme dominant de la tech comme moteur neutre de productivité. Comme le souligne le blog d’Ada Tech School, il s’agit de faire de la tech un levier d’impact social en réorientant sa finalité : éducation inclusive, réduction des inégalités, santé accessible, lutte contre le changement climatique… La technologie devient ainsi un outil de transformation de la société.
Mais cette définition reste large, parfois floue, et suscite des interrogations. Pour certains chercheurs, comme ceux de The Conversation, la Tech for Good suppose de choisir un modèle de justice sociale. Selon eux, on ne peut séparer la technologie de la question du pouvoir et de la répartition des ressources. L’éthique qui sous-tend la Tech for Good n’est donc pas uniquement une affaire de bonnes intentions, mais de cohérence avec une vision du bien commun.
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Pourquoi la Tech for Good est-elle utile ?
À l’heure de l’urgence écologique, des crises sociales répétées et de la défiance envers les grandes entreprises technologiques, la Tech for Good répond à un besoin croissant de sens et de responsabilité dans le secteur numérique.
D’un point de vue environnemental, les innovations technologiques peuvent être mises au service de la réduction de l’empreinte carbone, de la transition énergétique ou encore de la protection de la biodiversité. Par exemple, des plateformes permettent aujourd’hui de cartographier les zones de déforestation en temps réel ou de mieux gérer les consommations d’énergie des bâtiments.
Sur le plan social, les initiatives Tech for Good favorisent l’inclusion numérique, l’égalité des chances et l’accès à des services essentiels pour les populations marginalisées. Le numérique peut ainsi devenir un véritable accélérateur de justice sociale, en soutenant des projets de formation à la programmation pour les jeunes défavorisés ou en facilitant l’accès aux soins dans les déserts médicaux.
Enfin, pour les entreprises elles-mêmes, s’engager dans une démarche Tech for Good permet de répondre aux attentes des collaborateurs, des consommateurs et des investisseurs, de plus en plus sensibles aux enjeux de responsabilité.
Cela renforce leur attractivité et leur crédibilité, tout en les incitant à innover de manière durable.
Entre sincérité et marketing : un engagement à clarifier
Cependant, comme le rappelle Le Bon Digital, la Tech for Good est parfois utilisée à des fins de communication opportuniste. Certaines entreprises n’hésitent pas à se parer de vertus sociales ou écologiques sans réelle transformation de leur modèle économique : c’est ce que l’on appelle le goodwashing, un équivalent du greenwashing appliqué à la responsabilité sociale.
Le risque est alors de vider la notion de Tech for Good de sa substance en la réduisant à une étiquette marketing. Il devient essentiel de pouvoir distinguer les actions réellement impactantes des simples effets d’annonce. Cela suppose des critères d’évaluation clairs, basés sur les résultats concrets et mesurables des projets menés.
Pour aller plus loin, la Tech for Good doit s’inscrire dans une logique de transformation systémique, impliquant l’ensemble de la chaîne de valeur : choix des fournisseurs, conditions de travail, gouvernance, modèle économique… Une entreprise qui produit une application solidaire tout en pratiquant l’optimisation fiscale agressive ou en exploitant ses salariés ne peut prétendre incarner les valeurs de la Tech for Good.
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Les bonnes pratiques à adopter
Alors, comment faire de la Tech for Good une réalité tangible ? Plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en œuvre, que ce soit à l’échelle des entreprises, des développeurs ou des institutions.
Intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dès la conception
Cela implique de penser en amont aux impacts des technologies développées : accessibilité, inclusion, durabilité, sobriété numérique… Il ne s’agit pas seulement de corriger a posteriori les effets négatifs, mais d’intégrer une démarche éthique dès la phase de design. On parle alors de tech éthique ou d’écoconception.
Adopter des indicateurs d’impact
Pour éviter les effets d’annonce, il est crucial de mesurer l’impact réel des solutions proposées. Cela suppose de définir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs adaptés à chaque projet : nombre de bénéficiaires, réduction des émissions, taux de retour à l’emploi, satisfaction des usagers…
Favoriser la diversité et l’inclusion dans les équipes
Une tech véritablement au service du bien commun ne peut se construire sans diversité. Il s’agit de promouvoir la mixité des genres, l’inclusion des profils issus de minorités ou de milieux modestes, et d’instaurer une culture d’entreprise fondée sur le respect et la solidarité.
Développer en open source
L’open source permet de mutualiser les efforts, de favoriser la transparence et de permettre à d’autres acteurs de s’approprier les outils pour les adapter à leurs contextes.
C’est une manière de renforcer l’utilité sociale des projets tout en limitant les logiques de captation monopolistique.
Anticiper les risques et les dérives
Comme le soulignent plusieurs experts, une technologie, même bien intentionnée, peut générer des effets pervers si elle est mal encadrée. C’est particulièrement vrai avec l’intelligence artificielle, dont les algorithmes peuvent reproduire, voire amplifier, des biais sociaux ou culturels. Discrimination algorithmique, surveillance de masse, dépendance technologique… Les dérives potentielles sont nombreuses. Il est donc indispensable d’anticiper ces risques et de se doter de garde-fous juridiques, techniques et éthiques, pour garantir que l’IA, comme l’ensemble des technologies, reste au service de l’intérêt général.
L’exemple du numérique face aux cybermenaces
La Tech for Good ne peut faire l’économie de la question de la cybersécurité. À mesure que les innovations numériques investissent des secteurs sensibles – santé, éducation, services publics – elles deviennent aussi des cibles privilégiées pour les menaces cybernétiques, notamment les ransomwares.
Ces logiciels malveillants cryptent les données des organisations et exigent une rançon en échange de leur restitution. Hôpitaux, associations humanitaires ou startups à mission sont parfois la cible de telles attaques, qui paralysent leurs activités et mettent en danger les bénéficiaires.
Intégrer la cyber-résilience dans la stratégie Tech for Good, c’est garantir la continuité des services d’intérêt général et protéger les données des utilisateurs. Cela suppose de renforcer les infrastructures de sécurité, de former les équipes aux bonnes pratiques, et de privilégier des solutions respectueuses de la vie privée, comme le privacy by design.
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Des acteurs et initiatives en plein essor
La dynamique Tech for Good ne se limite pas à quelques startups engagées. En effet, de nombreux acteurs émergent pour structurer le secteur : incubateurs, réseaux d’entrepreneurs, fonds d’investissement à impact, événements dédiés…
Le mouvement Tech For Good France regroupe ainsi plus de 400 structures convaincues que l’innovation peut être un vecteur de justice sociale. La BPI soutient également les startups à impact via des dispositifs comme le French Impact. Et de nombreuses écoles, comme Ada Tech School, mettent l’éthique au cœur de l’enseignement du code et de l’ingénierie.
Parmi les exemples emblématiques, on peut citer Bayes Impact, qui développe des algorithmes pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ou encore LITA.co, plateforme d’investissement participatif dédiée aux projets à impact social et environnemental.
La Tech for Good représente bien plus qu’une tendance : c’est un engagement à faire de la technologie un moteur de transformation sociale et écologique. À condition de dépasser les discours pour adopter des pratiques concrètes et responsables, elle peut contribuer à bâtir un numérique au service de tous.